Interview Didier Sampaolo

Quand un développeur se met à proposer des outils en ligne pour webmasters/SEO et référenceurs, ça donne la plateforme WAssistant, accessible en Bêta depuis quelques jours. Présentation des services proposés et de leur concepteur.

Préambule

Je précise d’abord le contexte : après avoir suivi le compte twitter de Didier pour ses participations plutôt techniques dans les discussions SEO (mais @dsampaolo n’est pas un SEO), j’ai eu l’insigne honneur de rencontrer le spécimen lors du Teknseo de Dijon. Je n’ai pas suivi son atelier (« In bed with GoogleBot« ) mais j’ai pu découvrir un peu la personnalité du dév’ lors des apéros qui ont précédé la soirée de clôture.

Bonjour Didier, alors avec ta grosse voix et ton franc-parler, peux-tu nous dire ce que tu nous prépare avec cette Bêta ?

Didier Sampaolo
Salut Yann, merci pour l’intérêt que tu sembles déjà porter à mes devs.
C’est la première interview que je donne pour ceux-ci, je suis tout ému..
Pour faire simple, les premiers développements que j’ai rendus publics m’ont fait prendre conscience du fait que beaucoup de pros du web n’ont pas les compétences techniques requises pour bricoler des outils qui répondent à leurs besoins. Je suis donc en train de lancer une plate-forme un peu « collaborative », où je me propose de devenir le chef d’orchestre d’une
ligne d’outils faciles à prendre en mains, qui permettront d’automatiser des tâches chronophages, et développés en fonction de la demande.

Depuis quelques mois on a pu suivre quelques développements que tu avais fait et mis en ligne sur ton blog EnPause, sous le nom « Twassistant ». Peux-tu rappeler à ceux qui en auraient loupé les accès gratuits ce que faisaient tes outils en ligne ?

Le tout premier outil était un éditeur de données Exif, codé en quelques heures, et qui permettait surtout de faire l’interface avec des outils existant en ligne de commande. Est venue ensuite la « checklist », qui permettait de vérifier rapidement quelques ultra-basiques du seo : présence d’un title, d’un H1, d’un fichier robots.txt, ce genre de choses. TwAssistant, le petit dernier, permettait de filtrer une timeline Twitter pour classer les tweets par « engagement » (retweets / nombre de followers, principalement), de retirer les tweets sans lien, et quelques autres options, dans le but de voir le moins de tweets possible tout en ne ratant pas les informations principales d’une journée.

J’imagine que l’idée a germée au fil de tes développements puisque tu es passé d’un répertoire (http://enpause.fr/twassistant/) à un nom de domaine dédié (http://www.wassistant.com/) Qu’est-ce qui t’a poussé et/ou motivé ?

Au départ, j’éditais un blog, EnPause, qui parlait surtout de dev et de technique. Les outils étaient posés sur le même serveur, dans des répertoires, en vrac. Ca m’a permis d’avoir les premiers retours d’utilisateurs, positifs dans l’ensemble, et de valider qu’il existait un marché, ou tout au moins une demande, pour ce genre d’outils. Aujourd’hui, j’estime qu’il est nécessaire de me donner les moyens de mes ambitions: l’ensemble du code a été porté vers un serveur qui lui sera réservé. Les outils partagent un maximum de code, ce qui facilite leur maintenance et leur évolutivité. Il était important pour moi aussi de bien détacher ces tools du reste de mes activités, notamment l’édition de petits sites.

Pourtant si j’ai bien suivi tu proposes avant tout tes services de consultant et chef de projet technique en développement informatique ? Quels types de contrats honores-tu ?

Exactement ! Mes prestas actuelles vont de la réalisation de scripts de quelques dizaines de lignes pour accomplir une tâche bien précise, jusqu’au développement de sites complexes. J’accompagne aussi mes clients au quotidien dans la gestion de leurs projets techniques (études de faisabilité, rédaction de cahiers des charges, recrutement des équipes, etc).

Et le fait de t’attaquer à des outils SEO est-il dû à ton passif en agence de référencement nationale ?

Très certainement. En gros, je bossais dans l’édition, comme directeur technique d’un grand groupe média, lorsqu’une agence m’a appelé pour les aider à faire décoller leur technologie. Après avoir refondu le système interne de suivi des prestas, on a bien avancé sur le déploiement d’une technologie qui permet d’accroître la valeur ajoutée de chaque consultant via l’outil informatique. Je me suis pris à ce petit jeu et dans le même temps, mon réseau s’est enrichi de beaucoup de professionnels du SEO, avec qui j’ai toujours beaucoup de plaisir à échanger comme nous l’avons fait à Dijon pour le Teknseo.

En faisant un peu de veille on s’aperçoit finalement qu’il y a pas mal d’outils, gratuits ou payants, pour les SEO/webmasters/chargés de ref. etc..
Est-ce que tu suis cette actualité et que tu essaies des outils de temps en temps ? Pourquoi ? Ca ne te décourage pas de « réinventer » la roue ? (si c’est le cas, évidemment, puisque je n’ai pas accès à la bêta…)

Bien au contraire ! Il existe un écosystème très riche et très actif dans ces domaines. C’est une carte que je joue à fond pour développer ma solution, qui se basera autant que possible sur ce qui existe déjà. La plupart des services sérieux proposent des API qui permettent d’importer/exporter des données. Mon travail consiste à agréger tout ça, à ajouter une couche d’analyse, et de manière générale, à « aller plus loin » que ce qui est déjà possible.

Lors de rencontres comme le TeknSeo (non je ne suis pas payé par @Beunwa pour chaque mention), tu as la possibilité d’échanger avec d’autres développeurs. Est-ce qu’il peut arriver que cela débouche sur des collaborations ?

Bien sûr! En général, on collabore surtout sur de petits projets, de manière ponctuelle. On s’échange assez rarement du code, mais on se tient au courant des outils, des technologies disponibles, de l’évolution des langages que chacun maîtrise, ce genre de choses. C’est une très bonne source de formation continue.

Ma question précédente amène celle-ci : les référenceurs aiment ce genre d’évènement pour lier des contacts qui peuvent déboucher sur des échanges de liens sans avoir à crier ses alliances sur Twitter. Un tel mécanisme peut-il s’appliquer dans ton domaine ?

Complètement. Chez « nous » aussi, la discrétion est souvent de mise, et certaines collaborations restent dans l’ombre. Par exemple, il m’arrive régulièrement qu’un SEO me fasse profiter d’un « plan » parce qu’il a besoin d’un outil spécifique (pour ses clients, son réseau de sites, ou même, plus rarement, en vue d’une commercialisation). C’est aussi une des raisons qui me poussent à bien séparer mon activité d’édition et mon activité de dev: je ne suis pas le concurrent de mes clients ??

Ok bien compris l’état d’esprit. D’ailleurs je crois que tu places la barre assez haut en terme de technique et que tu respectes énormément l’éthique hacker. Tes outils permettront-ils d’aller loin dans l’audit, par exemple en terme de sécurité ?

Pour être franc, c’est via la « scène underground » que je suis entré dans l’informatique professionnelle. La culture hacker (au sens large, pas seulement sécurité) est une part importante de ma philosophie. La sécurité ne sera jamais mon fer de lance mais c’est évidemment un sujet qui m’intéresse de près. On peut imaginer, par exemple, un outil qui surveille les sites d’information spécialisés et te remonte des alertes en fonction de la configuration de ton serveur et de tes sites (plugins, etc). Par contre, effectivement, l’éthique est très importante pour moi, et les outils proposés ne pourront pas servir à réaliser des attaques.

Envisages-tu une reconversion de ton mode de vie, par exemple 50% de dev’ pour des clients et 50% de dev et maintenance pour WAssistant ?

Pourquoi pas ? Dans tous les cas, même si la maintenance de la ligne d’outil sera facilitée par la nouvelle plate-forme, j’y consacre déjà une partie de mon temps. On peut même imaginer adopter un modèle hybride, où chaque client pourrait payer le développement d’un module sur la plate-forme, qui serait mis à disposition de la communauté. Quelques gros logiciels fonctionnent déjà comme ça. On peut aussi imaginer un modèle basé sur le crowdfunding: on me demande une fonctionnalité, j’estime son coût, et ce sont les membres qui décident, ou pas, d’allouer un budget au développement du module. Bref, il faudra bien que je mange, mais en étant créatifs, on trouvera forcément le moyen d’arranger tout le monde.

Combien comptes-tu accepter de comptes en Bêta avant de passer en mode payant (que ce soit don ou abonnement) ? Pour l’instant tout se passe bien ? (poke bis : je n’ai pas encore reçu ma clé)

Pour le moment, les clés sont vraiment générées au compte-goutte (ok, j’ai saisi l’allusion !), pour la bonne raison que je fonctionne en développement agile: je code au fur et à mesure ! Par exemple, j’ai commencé par le formulaire de collecte, puis j’ai ajouté le module d’authentification par clés, etc. Chaque nouvelle clé me permet de remonter de nouveaux bugs et besoins, et surtout d’estimer les capacités actuelles de la plate-forme. Par exemple, certaines API sont payantes (Ahrefs), d’autres sont très restrictives (Twitter). Il faut sans cesse jouer avec des ressources limitées, c’est la partie qui me plait le plus. C’est comme un jeu de stratégie en temps-réel !

Même si tu te défends d’être SEO, ne penses-tu pas qu’il y a une approche similaire entre le codeur et le SEO ? chercher le moyen de poser son lien, tester, mettre en place des procédures quitte à tout reprendre à zéro… ? Que penses-tu de ces milieux ? Quelles sont les deux ou trois qualités requises selon toi ?

Oui et non : il y a des qualités communes, mais la finalité n’est pas la même. Il y a un côté « monolithique » dans le code qu’on ne retrouve pas dans le SEO, où les règles sont plus mouvantes. Il faut suivre l’évolution d’un moteur qui fonctionne en « boîte noire », alors qu’en technique, tout est documenté et pensé pour être le plus pérenne possible. C’est plus rassurant pour un esprit « logique » comme le mien. Là où on se retrouve, c’est sur les qualités requises: il faut être très curieux, patient, et pas trop dur avec soi-même, tout en restant très exigeant.

Un projet d’école informatique pour former les jeunes de tous horizons comme 42.fr doit forcément t’interpeller non ? Qu’en penses-tu ? Je crois savoir que tu es pour la transmission et l’échange des savoirs (dixit @Othenin), ça te dirait pas d’être formateur ?

Je suis assez sociable (peut-être trop ?) et je trempe depuis longtemps dans le monde et l’esprit des logiciels libres; en tant qu’autodidacte, je dois l’ensemble de mes connaissances au partage et à la transmission. Du coup, la voie de la formation m’intéresse aussi beaucoup ! J’étudie même la possibilité de donner des cours de code à de jeunes enfants; ça peut sembler bizarre, mais ils comprennent intuitivement le concept de la programmation (apprendre à un ordinateur à effectuer une tâche), ils sont ouverts, curieux, et motivés: autant de compétences indispensables pour en faire de très bons développeurs !

Les twittos de ta TL savent que tu aimes un certain nombre de choses qui n’ont rien à voir avec le SEO. Être indépendant est un choix de vie assumé que tu ne quittera plus, ou si un éditeur te faisait un appel du pied tu pourrais rentrer dans le rang en intégrant à nouveau une entreprise ?

Ça pourrait se faire, à condition qu’on me propose un poste avec de grandes libertés, par exemple dans la recherche et développement. J’ai un côté « savant fou » dans lequel je me plais bien: j’aime toucher de nouvelles technologies, essayer des langages ou des méthodes innovants. Je m’intéresse aussi à tout ce qui est informatique embarquée, électronique,etc. Si je peux me permettre un coup de pub, c’est ce que je fais par exemple pour Cœur d’abeille, une startup biotech qui propose des services autour de l’agriculture et des abeilles. on a de gros besoins techniques notamment sur le volet Recherche. C’est du jamais vu: je m’éclate!

Pour finir avec un peu de légèreté (hum), quels sont tes livres de chevets ? Mais les ouvrages techniques, pas du Asimov ou Simmons hein ?? D’ailleurs tu lis beaucoup de bouquins sur l’informatique ? Ou bien tu te documentes surtout en ligne ?

En général, je me documente énormément en ligne, de préférence sur les sites officiels. Je lis beaucoup de doc. technique (c’est un peu imbitable mais malheureusement nécessaire). Niveau papier, je surveille de très près certains ouvrages de référence sur mes langages principaux. Notamment, les « PHP Avancé« , dont chaque édition présente les nouveautés du langage en profondeur. Récemment, j’ai aussi acheté « jQuery et jQuery UI » qui donne plein d’idées sympa niveau interfaces web, et « Android 4 – Développement d’applications avancées« , qui insiste bien sur les spécificités du développement sur mobile (notamment l’importance des ressources comme la connexion ou la batterie).

Merci Didier d’avoir pris le temps de répondre à cet entretien ! Et à vous internautes d’avoir suivi jusqu’à la fin ! N’hésitez pas à laisser vos commentaires ci-dessous.